L’Union européenne renforce son cadre de sanctions : modifications du règlement (UE) 269/2014 relatif aux sanctions ciblées et 17ème paquet de sanctions

Introduction de nouveaux critères de sanctions ciblées
Le 15 mai 2025, l’Union européenne a officiellement modifié le Règlement (UE) 269/2014 relatif aux mesures restrictives et ciblées eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
Ce nouveau train de mesures, formalisé par la décision (PESC) 2025/904 du Conseil et le règlement (UE) 2025/903 du Conseil, introduit des ajustements significatifs aux régimes de sanctions existants, notamment en ce qui concerne les critères d’inscription sur les listes de sanctions et la lutte contre les tentatives de contournement des mesures restrictives.
En application de la décision (PESC) 2025/904 adoptée par le Conseil, le Règlement (UE) 2025/903 modifie le Règlement (UE) 2014/269 relatif aux mesures restrictives et ciblées eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine. Il introduit notamment un nouveau critère (m) d’inscription sur les listes de personnes sanctionnées, visant spécifiquement les personnes physiques ou morales ayant participé au transfert de la propriété, du contrôle ou de l’avantage économique d’intérêts commerciaux de femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie (eux-mêmes déjà visés par le critère g) dudit Règlement), ou ayant permis un tel transfert.
Parallèlement, le Règlement (UE) 2025/903 rajoute au premier paragraphe du Règlement (UE) 2014/269 un ter. Celui-ci dispose désormais que les femmes et hommes d’affaires influents exerçant des activités en Russie, inscrits sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, et qui prétendent avoir transféré la propriété, le contrôle ou l’avantage économique de leurs intérêts commerciaux le 24 février 2022 ou après cette date, continueront d’être considérés comme tels et de figurer sur la liste, à moins que des informations suffisantes, récentes et fiables ne démontrent qu’ils ne remplissent plus le critère énoncé.
Ces modifications visent clairement à prévenir les stratégies ayant pour effet d’amoindrir la portée des sanctions, en particulier les restructurations d’actifs ou les changements de contrôle opérés dans le but de masquer les bénéficiaires réels ou de soustraire les entités concernées aux mesures restrictives. Il s’agit ainsi de renforcer l’effectivité du régime de sanctions en empêchant que des modifications purement formelles de la structure de propriété ou de gouvernance puissent en neutraliser l’effet.
L’ajout du paragraphe ter semble également constituer une réponse aux revers jurisprudentiels récemment essuyés par le Conseil, lesquels ont sanctionné son incapacité à démontrer que des mesures restrictives pouvaient être maintenues sur la seule base de la détention passée d’actions ou d’un contrôle effectif sur une société (voir notamment : Pumpyanskiy c. Conseil, Tribunal de l’Union européenne, 2 avril 2025, aff. T-221/24). Ce nouveau mécanisme opère de facto une inversion de la charge de la preuve : il incombe désormais à la personne sanctionnée de démontrer qu’elle ne satisfait plus aux critères de désignation, et non plus au Conseil d’établir que les conditions initiales de désignation demeurent remplies au titre du nouveau critère (m).
D’autre part, l’exigence de fiabilité des informations fournies peut être comprise comme une réaction à la stratégie adoptée par les autorités russes, consistant à rendre indisponibles ou volontairement opaques certaines données relatives à la propriété ou au contrôle effectif des sociétés (notamment sur les équivalents russes des extraits Kbis), dans le but d’empêcher l’UE de fonder ses sanctions sur ces sources. Dans ce contexte, il apparaît particulièrement difficile pour une personne sanctionnée de produire une documentation alternative jugée suffisamment crédible pour justifier sa radiation de la liste.
17ème paquet de sanctions
En parallèle, le 20 mai 2025, la liste des personnes et entités faisant l’objet de mesures restrictives a été considérablement élargie dans le cadre d’un 17ème paquet de sanctions, via l’adoption d’un nombre non-négligeable de règlements d’exécution.
A°) Élargissement des sanctions fondées sur le Règlement (UE) 833/2014, relatif aux sanctions sectorielles
Le Règlement (UE) 2025/932 élargit l’application du Règlement 833/2014 à 189 navires complémentaires dits « fantômes », utilisés par la Russie pour contourner les sanctions existantes sur les exportations de pétrole, portant le total à 342 vaisseaux concernés.
De même, 31 entités accusées d’avoir aidé Moscou dans ces efforts ont fait l’objet de mesures restrictives à ce titre, incluant des sociétés émiraties, chinoises ou turques.
Le règlement prend également acte de l’extension par le Conseil de la liste des articles susceptibles de contribuer au renforcement militaire et technologique de la Russie ou au développement de son secteur de la défense et de la sécurité, en y ajoutant notamment les précurseurs chimiques de matières énergétiques et les pièces détachées de machines-outils d’origine russe, désormais soumis à restriction.
À cette occasion, le Conseil a également prolongé la dérogation au plafonnement des prix du pétrole, laquelle autorise, en raison de préoccupations en matière de sécurité énergétique, le transport, par navire, à destination du Japon de pétrole brut provenant du projet Sakhalin-2 situé en Russie.
B°) Élargissement des sanctions fondées sur le Règlement (UE) 269/2014, relatif aux sanctions individuelles
Le Règlement (UE) 2025/933 élargit l’application du Règlement 269/2014 à 17 personnes et 58 entités accusées d’être responsables d’actions compromettent ou menacent l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.
Cet élargissement s’inscrit dans le sillage des déclarations du Conseil, selon lesquelles doivent être poursuivis les efforts visant à davantage limiter les capacités de la Russie à mener le conflit dans lequel elle est impliquée.
C°) Élargissement des sanctions fondées sur le Règlement (UE) 2024/1485, relatif à la lutte contre les répressions internes menées en Russie
Le Règlement (UE) 2025/958 élargit l’application du Règlement (UE) 2024/1485 à 28 personnes physiques accusées de participer aux violations des droits de l’homme ainsi qu’à la politique de répression politique menée par les autorités de la Fédération de Russie.
D°) Élargissement des sanctions fondées sur le Règlement (UE) 2018/1542, relatif à la lutte contre la prolifération et l’utilisation des armes chimiques
Le Règlement (UE) 2025/959 élargit l’application du Règlement (UE) 2018/1542 à trois nouvelles entités accusées d’avoir contribué à l’utilisation d’agents chimiques antiémeute sur le front ukrainien, ce qui est en principe interdit par la convention sur l’interdiction armes chimiques d’avril 1997.
E°) Élargissement des restrictions issues du Règlement (UE) 2024/2642, relatif aux activités déstabilisatrices menées par la Russie hors de son territoire
Tout d’abord, le Règlement (UE) 2025/964 élargit le champ d’application du Règlement (UE) 2024/2642.
Tout d’abord, il prévoit l’interdiction des transactions portant sur des actifs liés aux activités déstabilisatrices menées par la Russie, tels que les navires, les aéronefs, les biens immobiliers et les éléments physiques des réseaux numériques et de communication.
Par ailleurs, il acte de l’interdiction des activités de diffusion dans l’Union par des médias spécifiquement désignés, afin de contrer les campagnes de désinformation menées par la Fédération de Russie. À cette occasion, il ordonne également la suspension des licences de diffusion de certains médias auparavant non-soumis à mesures restrictives et interdit la diffusion de leurs contenus dans l’Union par tout opérateur.
Il précise cependant que les médias susvisés pourront continuer à exercer d’autres activités, telles que les enquêtes et entretiens, tant que ceux-ci ne sont pas diffusés au sein de l’Union.
Dans ce contexte, le Règlement (UE) 2025/965 précise la liste des personnes nouvellement sanctionnées au titre des éléments susmentionnés, à savoir 21 personnes physiques et six personnes morales.
La Commission Européenne, ainsi que les gouvernements français et allemand, ont déjà indiqué que de nouvelles mesures sont à l’étude et devraient être mises en place dans le cadre d’un 18ème paquet, en cas de refus par la Russie d’accepter le cessez-le-feu de 30 jours proposé par Kiev et ses alliés occidentaux.
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