ACPR c. Banque Delubac : le risque de contournement de sanctions sous surveillance

1. Contexte
Le 19 juin 2025, la Commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a rendu une décision à l’encontre de la Banque Delubac & Cie, prononçant un blâme ainsi qu’une sanction pécuniaire de 600 000 euros pour de multiples manquements à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).
Cette décision particulièrement détaillée met en lumière des carences systémiques dans l’organisation, la détection, le traitement des alertes et la déclaration des opérations suspectes. Sans viser explicitement une infraction de contournement des sanctions internationales, le rapport de contrôle et les griefs retenus révèlent cependant une exposition préoccupante de la banque à ce type de risque.
Le présent article se propose d’analyser la décision sous ce seul prisme : celui du risque de contournement des régimes de sanctions économiques et financières, à la lumière des obligations LCB-FT et des exigences croissantes en matière de conformité géopolitique.
2. Activité exposée au risque de sanctions
La Banque Delubac a, dans le cadre d’un repositionnement stratégique, développé une activité orientée vers :
- L’accompagnement d’entreprises opérant vers ou depuis des juridictions à risque, notamment des pays soumis à sanctions économiques ou financières ;
- Une offre de services de correspondance bancaire ;
- La mise en œuvre d’activités transfrontalières impliquant des zones sensibles comme la Russie ou des territoires intermédiaires à risque.
Ce modèle pâtissait cependant de l’absence de dispositifs adéquats de filtrage et d’alerte.
3. Constats du contrôle ACPR
Le contrôle sur place mené début 2023 a mis en évidence :
- Des failles systémiques dans l’identification des flux impliquant des pays à risque élevé ou sous sanctions :
- Le système d’alerte [A] ne permettait ni l’exploitation ni la détection des opérations selon les pays d’origine/destination.
- La surveillance ne visait que les clients ayant déclaré de tels liens à l’entrée en relation, sans actualisation en cours de relation.
- L’absence de mesures de vigilance renforcée sur certains clients ou opérations sensibles ;
- Des cas de clôture de comptes ou de traitement d’alertes sans déclaration à TRACFIN, alors même que certains flux semblaient incohérents ou suspects dans le contexte géopolitique actuel (ex. : Russie, Émirats, Panama).
4. Conséquences
Sans caractériser une violation directe des régimes de sanctions (au sens pénal ou douanier), l’ACPR considère que :
- Le dispositif de la banque était structurellement inapte à prévenir un contournement indirect des sanctions internationales ;
- Cette carence constitue un manquement grave au devoir de vigilance et à l’obligation d’efficacité du dispositif LCB-FT, en particulier dans le contexte actuel de pression réglementaire sur les flux liés à des États sous sanctions (ex. Russie, Iran, Syrie).
La sanction finale, à savoir un blâme et une amende de 600 000 €, est donc entre autres justifiée par cette exposition mal maîtrisée au risque de contournement de sanctions.
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