En application de l’article 2 du règlement (UE) n° 269/2014, relatif aux mesures restrictives prises en raison des actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, les personnes physiques ou morales désignées à l’Annexe I dudit règlement se voient imposer le gel de tous les fonds et ressources économiques leur appartenant. Il est également interdit de mettre à disposition de ces personnes, directement ou indirectement, des fonds ou des ressources économiques. Ces mesures restrictives s’étendent par nature à toute entité détenue ou contrôlée, directement ou indirectement, par une personne désignée.

Cependant, la législation de l’Union en matière de sanctions ne définissait pas explicitement les notions de contrôle et de détention d’une personne morale ou d’une entité aux fins de l’application des mesures restrictives.

Or, ces notions présentent une importance évidente. Comme indiqué, les interdictions formulées par l’article 2 du Règlement (UE) 269/2014 s’appliquent non seulement aux personnes désignées dans l’annexe mais encore aux entités qui sont détenues ou contrôlées par elles. Leur définition est alors d’intérêt pour l’ensemble des opérateurs européens, notamment afin de déterminer avec quelles entités ou quelles personnes ces opérateurs peuvent contracter et sous quelles conditions. L’intérêt s’étend également aux juridictions extérieures à l’Union européenne, dès lors qu’elles doivent elles-mêmes apprécier la réalité d’une détention ou d’un contrôle exercé par une personne désignée au titre du règlement (UE) n° 269/2014 (par exemple, High Court of Justice, 31 juillet 2025, LLC Eurochem North-West-2 and another v. Société Générale S.A. and others).

Jusqu’alors, les parties intéressées se fondaient sur l’interprétation de ces concepts fournie dans des documents d’orientation, tels que les Lignes directrices de l’UE (EU Best Practices) et les FAQs (Foire aux questions) consolidées de la Commission.

Ces documents précisaient que si des entités non inscrites à l’annexe I du règlement (UE) 269/2014 étaient considérées comme détenues ou contrôlées par des personnes ou entités listées, leurs avoirs devaient également être gelés, et l’interdiction de mise à disposition de fonds et ressources économiques leur été également appliquée.

Cependant, selon le Tribunal de l’Union Européenne, les Lignes directrices de l’UE ont une portée normative douteuse, en ce qu’elles « doivent être considérées comme comportant des recommandations non exhaustives à caractère général, destinées à la mise en œuvre effective de mesures restrictives conformément au droit de l’Union en vigueur et à la législation nationale applicable. Ces recommandations n’ont pas d’effet juridique contraignant et ne doivent pas être comprises comme des dispositions recommandant une action qui serait incompatible avec le droit de l’Union » (TUE, T-302/22, Vinokurov c. Conseil, 29 mai 2024, point 122).

Dans des procédures contentieuses, notamment devant le Tribunal et la Cour de justice de l’UE, les notions développées dans les Lignes directrices ne pouvaient jusqu’à lors pas être utilisées par les demandeurs dans leurs développements relatifs à l’interprétation et au champ d’application d’un critère de sanction.

S’agissant des FAQs, celles-ci ne faisaient référence qu’à des opinions de la Commission sur la notion de contrôle (Opinions de la Commission du 19 juin 2020 et du 8 juin 2021), sans pour autant reprendre une définition claire et précise de la notion de « contrôle ».

La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a également contribué à l’harmonisation des notions de « détention » et de « contrôle ». La notion de « contrôle » a ainsi été appréciée au regard de l’importance des participations capitalistiques, de la structure de l’actionnariat ou encore des modalités de prise de décision (TUE, T-302/22, Vinokurov, précité, point 123). La Cour a également précisé qu’une société pouvait être qualifiée de « société détenue ou contrôlée » par une autre entité dès lors que cette dernière se trouvait en mesure d’influencer les choix de la société concernée, même en l’absence de tout lien juridique ou capitalistique (CJUE, C-123/18 P, HTTS/Conseil, point 75). La notion de « contrôle » était ainsi largement associée à celle d’« influence déterminante », ce qui nécessitait une analyse au cas par cas.

Dans ces conditions, il était devenu nécessaire de renforcer la sécurité juridique et d’assurer une application cohérente et efficace des mesures restrictives en conférant une portée plus précise et opposable à ces définitions.

Le 23 octobre 2025, le Conseil de l’Union européenne a adopté le Règlement (UE) 2025/2037, modifiant le Règlement (UE) n° 269/2014. Ce règlement insert des définitions de « détention » et de « contrôle » au sein de l’article 1er du Règlement (UE) n° 269/2014. Ces définitions sont alignées sur celles utilisées dans d’autres cadres de mesures restrictives de l’Union, notamment le règlement (CE) n° 2580/2001.

La notion de « Détention » d’une personne morale, une entité ou un organisme est définie comme le fait d’être en possession de 50 % ou plus des droits de propriété d’une personne morale, d’une entité ou d’un organisme, ou de détenir une participation majoritaire en son sein.

La notion de « contrôle » d’une personne morale, d’une entité ou d’un organisme couvre plusieurs situations, parmi lesquelles :

  • le droit ou le pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de gestion ou de surveillance, y compris lorsque la majorité de ces membres a été nommée par la personne au cours de l’exercice en cours ou du précédent ;
  • le contrôle, seul, de la majorité des droits de vote d’autres actionnaires, notamment en vertu d’accords annexes (pacte d’actionnaires, side letters, etc.) ;
  • le droit d’exercer, directement ou indirectement, une influence dominante sur une entité ;
  • le droit d’utiliser les actifs d’une entité ;
  • la gestion des activités d’une entité sur une base unifiée, notamment par la publication de comptes consolidés ;
  • le fait de partager conjointement et solidairement les obligations financières d’une entité ou de les garantir.

Ces définitions précisent la portée de l’article 2 du Règlement (UE) n° 269/2014 relatif au gel des avoirs. L’article 2 est remplacé pour stipuler clairement que sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes listées, ainsi que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes physiques ou morales, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

En fournissant des définitions juridiques claires pour « détention » et « contrôle », le Règlement (UE) 2025/2037 transforme une pratique administrative basée sur des orientations et des FAQs en une obligation réglementaire explicite, renforçant ainsi la base juridique et l’efficacité de l’application des sanctions de l’Union.