Augmentation des droits de douane à l’encontre des produits agricoles et engrais en provenance de Russie et de Biélorussie

L’Union européenne ajuste ses droits de douane face aux importations russes et biélorusses sous couvert de la protection de sa sécurité alimentaire et de son marché.
Le 17 juin 2025, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le Règlement (UE) 2025/1227, une mesure visant à modifier les droits de douane applicables aux importations de certains produits originaires de la Fédération de Russie et de la République de Biélorussie, ou exportés à partir de ces pays. Ce règlement est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Ce nouveau règlement présente la volonté de l’Union de répondre à plusieurs préoccupations stratégiques et économiques.
L’Union Européenne aurait pour objectif premier d’éviter et de limiter une situation de dépendance économique de l’Union à l’égard de la Russie s’agissant des engrais uréiques et azotés. Les importations de ces derniers auraient en effet augmenté de manière significative entre 2023 et 2024.
Outre les engrais, le règlement vise de nombreux produits agricoles dont les importations, bien que relativement faibles aujourd’hui, pourraient, selon les institutions de l’Union, augmenter considérablement si les conditions commerciales actuelles venaient à persister, menaçant également de créer une dépendance économique.L’Union européenne chercherait alors, en évitant et limitant cette dépendance, à protéger son marché et préserver sa sécurité alimentaire.
Les considérants du règlement nous exposent enfin les craintes des institutions européennes quant à la probable vulnérabilité de l’Union face à des mesures coercitives de la part de la Fédération de Russie dans le cas où des importations se poursuivraient dans les conditions actuelles.
La République de Biélorussie est également visée par le règlement en raison des liens politiques et économiques étroits existant avec la Fédération de Russie, et notamment l’existence d’une union douanière entre les deux pays. Le règlement a pour objet d’éviter d’éventuelles importations dans l’Union de produits de la Fédération de Russie transitant via la République de Biélorussie.Le règlement instaure des droits de douane plus élevés que les droits de la nation la plus favorisée (NPF) actuellement appliqués, qui variaient jusqu’ici considérablement, certains étant à zéro ou très faibles.
Pour rappel, la clause de la nation la plus favorisée est une mesure de non-discrimination qui figure dans de nombreux traités de commerce international et qui permet à un État de bénéficier des mêmes avantages commerciaux que tout autre État, pour l’importation d’un produit similaire. Cette clause est notamment intégrée aux mécanismes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tout État membre en étant alors signataire. De ce fait, toute concession, comme une réduction des tarifs douaniers, accordée par un État signataire de cette clause est automatiquement appliquée à tous les autres États signataire.
Dès lors, le règlement prévoit que les importations des produits décrits ci-après et originaires de la Russie ou de la Biélorussie, ou exportés depuis ces pays, ne seront plus éligibles à des droits d’importation inférieurs dans le cadre des contingents tarifaires de l’Union, y compris ceux prévus par l’accord sur l’OMC.Le règlement vise deux catégories de produits :
1. Les Produits agricoles et autres produits divers, listés à l’Annexe I du règlement : les produits relevant des codes de la nomenclature combinée (NC) énumérés à l’Annexe I sont soumis à un droit de douane ad valorem additionnel de 50 % (soit 50% de la valeur du produit), qui s’ajoute au taux des droits du tarif douanier commun.
Cette mesure est applicable à partir du 20 juillet 2025 pour ces produits. La liste de l’Annexe I est exhaustive et couvre, entre autres, des animaux vivants, des viandes, des produits laitiers, des céréales (avoine, riz, triticale), des huiles végétales et animales, des sucres, des préparations alimentaires, et des résidus de l’industrie alimentaire, etc.2. Les Engrais listés à l’Annexe II du règlement : pour les engrais minéraux ou chimiques azotés (code NC 3102) et certains autres engrais (codes NC 3105), des droits de douane spécifiques sont appliqués et augmentent progressivement sur plusieurs années. Par exemple, pour les produits relevant du code NC 3102, le droit passe de 6,5 % ad valorem + 40 EUR/tonne du 1er juillet 2025 au 30 juin 2026, à 6,5 % ad valorem + 315 EUR/tonne à partir du 1er juillet 2028.
Il convient d’ajouter qu’en cas d’atteinte de certains volumes cumulés d’importations des engrais visés par le règlement, la Commission imposera le droit au niveau le plus élevé prévu (par exemple, 315 EUR/tonne pour le code 3102) pour les importations restantes de la période donnée.L’Union européenne justifie ces mesures par le droit international. Bien que la Russie soit membre de l’OMC, l’Union est autorisée à déroger à l’obligation d’accorder le traitement de la NPF si elle estime que ces mesures sont nécessaires pour protéger ses intérêts essentiels en matière de sécurité. La Biélorussie n’étant pas membre de l’OMC, l’Union n’est pas tenue de lui accorder le traitement NPF, et les accords commerciaux existants autorisent également des actions justifiées par des clauses d’exception de sécurité.
L’augmentation envisagée des droits de douane ne devrait pas avoir d’incidence négative sur la sécurité alimentaire mondiale. En effet, elle s’applique uniquement aux importations dans l’Union et n’affecte pas les produits en transit vers des pays tiers. Au contraire, elle pourrait potentiellement augmenter les exportations de ces produits vers d’autres pays, accroissant ainsi la disponibilité des approvisionnements mondiaux.
Toutefois, reconnaissant le rôle significatif des engrais dans la sécurité alimentaire et la stabilité financière des agriculteurs de l’Union, la Commission européenne surveillera de près l’évolution des prix des engrais sur le marché de l’Union pendant quatre ans à compter du 21 juin 2025. Si les prix augmentent sensiblement au-delà des niveaux de 2024, la Commission évaluera la situation et prendra toutes les mesures appropriées pour y remédier, pouvant inclure une proposition de suspension temporaire des droits applicables aux importations d’engrais provenant d’autres pays.
Ce règlement, considéré par l’Union comme nécessaire et proportionné pour atteindre ses objectifs, est dépeint par le Conseil comme une étape importante dans la stratégie de renforcer de l’autonomie économique de l’Union et de sa sécurité, tout en répondant aux défis géopolitiques actuels, en s’inscrivant dans un contexte géopolitique tendu où les relations avec la Fédération de Russie et la Biélorussie se sont fortement détériorées.Cependant, au-delà de cette réponse ciblée à une menace extérieure, ce règlement apparaît comme une nouvelle contrainte pour les agriculteurs de l’Union qui font face à une pression concurrentielle intense, à la volatilité des prix des intrants essentiels comme les engrais – même si ce règlement vise à stabiliser ce marché en réduisant la dépendance – et à des exigences environnementales et réglementaires de plus en plus strictes. Les récentes polémiques en Europe, et notamment en France, concernant l’interdiction de certains insecticides -tels que les néonicotinoïdes dans la filière betteravière ou le glyphosate- illustrent la complexité de cette équation : les agriculteurs se voient contraints de s’adapter à des normes environnementales de plus en plus strictes, tout en subissant la hausse du coût des intrants et la réduction de leurs marges.
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